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Note complémentaire sur la notion d’attribut

Sur les attributs de la substance

Références principales :

–       E, I, Définition 4

–       E, I, Prop. XII – XV

–       Lettre IX à Simon de Vries

. Dans le rapport substance/attribut se joue la question ontologique ancienne de l’Un et du Multiple, de l’univocité et de l’équivocité de l’être : Parménide/Héraclite, Platon/Aristote, etc.

Or, si je puis dire, le fond de l’être, pour Spinoza est « un », tout en concevant cet « un » comme constitué par une multiplicité infinie (attributs).

Encore faut-il s’entendre ici sur le sens de « un », à la lumière notamment du commentaire de Laurent Morazzani ci-dessous : toute substance est entière (au sens d’indivisible) d’une part, et Dieu, conçu comme substance absolue, ne peut exister que de manière unique (l’absolutétié de Dieu « absorbe » pour ainsi dire toute substantialité); mais Dieu, quoiqu’unique du point de vue de son existence, est, comme substance absolument infinie, infiniment divers qualitativement (infinité d’attributs) ou essentiellement.

L. Morazzani : « l’originalité de Spinoza c’est d’avoir compris que le concept de substance n’implique PAS le concept d’unité. Précisément, c’est Dieu qui permet d’unifier toutes les substances et de les ravaler au rang d’attributs d’une unique substance. Ce n’est donc pas le concept de substance qui permet cette unification, mais bien le concept de substance ABSOLUE, constituée d’une infinité d’attributs. C’est l’absolu qui fonde l’unicité, non l’inverse. Dès lors, Dieu n’est pas l’UN de Plotin, toujours transcendant à ce qui émane de lui, mais il est l’UNIQUE obtenu par intégration de toutes les réalités dans un summum d’indétermination. »

L. Morazzani écrit dans un autre commentaire : « l’unicité de Dieu est compatible avec une pluralité qualitative ou dynamique celle des attributs, différant en essence. (…) L’unicité est FAITE de cette plualité infinie, extranumérique des attributs, et chaque attribut complique et explique cette unicité, sans contradiction. »

Sur ce point, cf. aussi le commentaire de L.M. associé à la lecture des propositions IX et X : « C’est original: Spinoza n’intègre pas les substances en partant du concept d’unité; il fait le contraire, et c’est plus malin: il présuppose le multiple (intérieurement et extérieurement) et par un passage à la limite (l’absolument infini qu’il faut distinguer de l’infini) il justifie l’unicité de la substance divine. Ainsi l’unicité est fondée, constituée, produite par l’infinité des attributs et n’est pas l’UN vide des Eléates (n’en déplaise à Hegel qui n’y a vu que du feu). »

Conseillons également la lecture de cet article de P. Macherey : « Spinoza est-il moniste ?« 

. Les attributs expriment des différences (ou multiplicités) qualitatives mais non quantitatives : les attributs « sont bien des substances, en un sens purement qualitatif » (Deleuze, SPE, 56). Distinction « réelle » mais non numérique : « distinction formelle » (concept de Duns  Scot). Deux attributs sont ontologiquement identiques (un) mais formellement distincts.

. Dans la Lettre IX à Simon de Vries (1663), Spinoza est amené à préciser la relation substance / attributs en ces termes : « Par attribut j’entends la même chose [que par substance ] à cela près que le terme d’attribut s’emploie par rapport à l’entendement qui attribue à une substance telle nature déterminée ».

Spinoza donne ensuite deux exemples, qui servent d’analogies au rapport substance/attributs (« une seule et même chose désignée par deux noms ») :

–       Israël et Jacob sont « le même personnage » (= la même chose ou réalité), mais Jacob est le nom donné à celui-ci en tant qu’il avait saisi le talon de son frère.

–       « Plan » est le nom de « ce qui réfléchit tous les rayons lumineux sans altération » ; « Blanc » désigne la même chose (« ce qui réfléchit… »), la même essence, mais se dit alors d’un plan regardé par un homme.

. Macherey : « En percevant des essences de substance ou attributs, c’est comme si l’intellect appréhendait la substance à travers une pluralité de grilles de déchiffrement, entre lesquelles une traduction simultanée doit toujours être possible [= le « parallélisme » spinoziste], mais qui produisent des textes complètement autonomes et s’offrant à la compréhension à travers des critères de lisibilité qui sont propres à chacun ; ces textes s’équivalent dans la mesure où ils ne se mélangent pas entre eux, mais expriment une même réalité, celle de la substance qui est Dieu, à chaque fois dans le langage qui leur est spécifique ; » (40 n. 2)

Lire aussi article « attribut » dans lexique Deleuze.

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