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Introduction au De Libertate

Après que la fin de la 4e partie ait tracé le portrait idéal et théorique de l’homme libre, la 5e partie de l’Ethique – de loin la plus courte – aborde l’exposé des procédures permettant de développer effectivement un tel système de vie rationnelle, et d’entrer ainsi dans un processus de libération menant tendanciellement à la « béatitude » : son enjeu est la mise en œuvre proprement dite du projet éthique.

Comme leur titre respectif l’indique clairement, le mouvement qui va de la partie IV à la partie V consiste à passer progressivement de la « servitude » humaine initiale, marquée par la domination des affects (viribus affectuum) et la relative impuissance de la raison, à une « liberté » qui consiste à accroître la puissance de la raison (potentia intellectus) et par là l’empire de l’âme sur les affects.

Matheron : « Pouvons-nous nous élever jusqu’à ce degré supérieur de liberté où nous n’aurions plus besoin de la complicité des circonstances pour ressembler à notre modèle idéal ? Nos idées claires et distinctes peuvent-elles nous inspirer des désirs qui soient assez forts pour l’emporter dans tous les cas, même si les causes extérieures tendent à nous détourner de la voie droite ? En termes plus classiques quel pouvoir notre Raison a-t-elle exactement sur nos passions ? Il est certain que ce pouvoir n’est pas absolu : les affections de notre corps, nous le savons depuis longtemps, sont soumises à un déterminisme qui se conçoit par la seule nature de l’Etendue ; et, puisque nos sentiments sont les idées de ces affections, ils s’enchaînent dans le même ordre qu’elles. Comme l’ont montré les 18 premières propositions du livre IV, jamais la connaissance vraie ne modifiera ni ne suspendra les lois de cette inflexible mécanique : impossible de ne pas éprouver la joie excessive ou la tristesse que l’environnement nous suscite ; impossible, lorsque le rapport des forces le favorise, de vaincre un désir que nous savons pourtant être mauvais. Mais n’en concluons pas à une impuissance radicale. Ce déterminisme, en effet, la Raison ne se borne pas à le contempler de l’extérieur : elle en est partie intégrante. Force parmi d’autres forces, ne doit-elle pas, à partir d’un certain niveau de développement, renverser la situation à son profit ? » (Individu et communauté, 543).

Mais ce problème éthique recevra dans le De Libertate deux « solutions » successives et assez nettement distinctes : les propositions 1 à 20 développeront, dans la continuité de la partie IV, une solution a minima, fondée sur la connaissance du 2e genre, aisément accessible de l’intérieur même de l’existence ordinaire ou « vie présente » (V, 20, scolie) et de sa servitude ; les propositions 21 à 42 développeront ensuite, sur cette base, une solution « maximale », construite d’un tout autre point de vue, celui de « l’éternité », c’est-à-dire de la « science intuitive » ou connaissance du 3e genre, qui amène à appréhender et à comprendre la réalité – y compris nous-même – en dehors de toute relation avec la durée. Les rapports entre ces deux solutions, qui sont à la fois en continuité et en discontinuité, et la signification précise de la seconde sont sujets à de nombreux débats interprétatifs.

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