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Lecture des propositions XLI à XLVII du De Servitute

Les propositions 38 à 58 déterminent les moyens et les obstacles à la réalisation de l’idéal individuel et interhumain de vie raisonnable tel qu’il a été défini par l’ensemble des propositions 19 à 37, de l’intérieur même de la servitude passionnelle. Ce qui revient principalement à évaluer l’utilité/nocivité respectives des affects et à déterminer les « interventions possibles dans les mécanismes de la vie affective » (Macherey).

Pour un commentaire global des propositions 41 à 64, cf. aussi cet extrait d’A. Matheron.

Les propositions 38 à 40 ont fixé les critères fondamentaux d’utilité qui permettront ensuite d’évaluer comparativement les différents affects, « ce qu’ils ont de bon et de mauvais » comme l’annonçait la Préface du De Servitute : principes individuels (38 et 39) et principe collectif ou interhumain (40).

Les propositions suivantes – 41 à 58 – déduisent l’évaluation des affects.

41-46 : effets et évaluation des passions fondamentales

Prop. 41-43 : utilité/nocivité des affects primaires (joie/tristesse) en tant que tels.

Prop. 44-46 : utilité/nocivité des affects secondaires (amour/haine + désir) en tant que tels.

47-51 : effets et évaluation des passions dérivées

Prop. 47 : utilité/nocivité des affects secondaires de crainte et d’espoir (et de leurs dérivés).

***

Prop. 41 : La Joie, directement, n’est pas mauvaise, mais bonne, et la Tristesse est, au contraire, directement mauvaise.

demonstratio par 3, prop 11  |  3, prop 11, sc   |  4, prop 38

Les prop . 41 à 43 considèrent les affects primaires de Joie et de Tristesse et leurs manifestations d’ensemble.

La joie est bonne en elle-même, en tant que telle ou « directement », en tant qu’affect « primaire », ce qui laisse supposer qu’elle peut éventuellement être mauvaise « indirectement », dans certaines de ses formes dérivées/secondaires ou de ses effets : en particulier lorsqu’elle est « excessive », comme dans le cas du « chatouillement » (prop. 43), de certaines amours ou de certains désirs (prop. 44).

Au contraire, la tristesse est « directement » mauvaise, ce qui laisse aussi supposer un certain usage utile d’affects de tristesse : par ex. une certaine douleur peut, non en elle-même, mais indirectement, être utile, en particulier comme remède aux excès de certaines joies (prop. 43, demo).

Démonstration

La Joie est par définition (3, 11 scolie) utile dans la mesure où elle remplit la condition du 1e critère d’utilité défini à la prop. 38 : l’augmentation de la puissance d’agir, c’est-à-dire des aptitudes du corps et de l’âme individuelle.

Macherey : « Il en résulte que l’objectif fondamental de l’éthique doit être de multiplier au maximum les occasions d’être joyeux, et d’éliminer au maximum celles d’être triste. Ce qui signifie (…) que la joie a parfaitement sa place dans l’idéal d’une vie parfaite menée sous la conduite de la raison, alors que la tristesse, elle, n’y a aucune place, parce que, dans une perspective éthique où vertu et puissance sont complètement identifiées, elle contrarie sa visée fondamentale. » (258).

Prop. 42 : L’allégresse ne peut être excessive, mais elle est toujours bonne ; et la mélancolie, au contraire, est toujours mauvaise.

demonstratio par 3, prop 11, sc   |  3, prop 11  |  4, prop 39  |  4, prop 38

L’allégresse (hilaritas) ou « gaieté » (Appuhn) est « toujours bonne » : c’est-à-dire bonne directement, comme toute joie, mais aussi indirectement dans la mesure où elle ne peut pas être excessive (à la différence du chatouillement, comme le précisera la prop. suivante).

Inversement, la mélancolie (melancholia) – la déprime ou la dépression – est « toujours mauvaise » : elle l’est directement en tant que tristesse, et aucune utilité indirecte ne peut en être tirée (à la différence de la douleur, comme le précisera la prop. suivante).

Macherey : « De l’allégresse, qui est un sentiment de bien-être généralisé, on n’en a jamais assez, et il est normal de vouloir en disposer toujours un peu plus ; de la mélancolie, qui consiste en un malaise diffus, minant plus ou moins dans son principe la constitution individuelle, on en toujours trop, et on est parfaitement justifié de chercher tous les moyens à s’en protéger. » (262).

Allégresse et mélancolie sont des passions qui « expliquent », c’est-à-dire développent et manifestent, expriment les affects de joie ou de tristesse, en tant qu’ils affectent le corps et l’âme dans leur globalité : cf. III, 11, scolie.

Elles vont de pair avec les affects de « chatouillement » (titillatio) et de « douleur », qui expriment des joies ou des tristesses en tant que celles-ci affectent plus particulièrement certaines parties du corps et non l’âme et le corps dans leur ensemble (ce qui les rend, eux seuls, potentiellement excessifs).

Etre « excessif » pour un affect signifie, comme le montrera la démonstration, que celui-ci contraire l’équilibre global du corps, donc le 2e critère d’utilité, défini par la prop. 39.

Démonstration

C’est le caractère global de l’affect de l’allégresse qui fonde son utilité absolue : ce qui correspond au 2e critère d’utilité individuelle défini par la prop. 39. Ainsi l’allégresse est un sentiment d’augmentation global (conforme à la fois aux propositions 38 et 39).

Prop. 43 : Le chatouillement peut être excessif, et être mauvais ; et la douleur peut être bonne, pour autant que le chatouillement ou Joie est mauvais.

demonstratio par 3, prop 11, sc   |  4, prop 6  |  4, prop 38  |  4, prop 41  |  4, prop 5  |  4, prop 3  |  4, prop 43, demo

A la différence de l’allégresse, joie équilibrée, le chatouillement (comme joie partielle et localisée : titillatio) peut être excessif : il est bon en lui-même, en tant que joie (prop. 41), mais il peut être indirectement mauvais en tant qu’il est susceptible d’excès.

De manière plus générale, la démonstration de la prop. 59 énoncera que « la Joie est mauvaise en tant qu’elle empêche que l’homme ne soit apte à agir », et fera référence aux prop. 41 et 43.

Macherey : « L’individu qui subit une telle fixation est limité dans sa puissance d’agir, puisqu’il consacre tous ses efforts à entretenir le chatouillement qui est pour lui l’occasion d’une joie extrême, mais qui, en même temps, est aussi l’occasion qui “empêche que le corps soit apte à être affecté de plusieurs autres manières“, ce qui est dangereux et mauvais. » (263)

Matheron : « l’excès ne vient donc pas de l’intensité de la jouissance prise en valeur absolue, ni non plus de sa fréquence, mais du caractère obsessionnel qu’elle revêt pour notre imagination. » (Etudes, 310).

A cet excès possible du chatouillement, la douleur (comme agression localisée) peut éventuellement servir de remède, en raison même de son caractère local (qu’elle a en commun avec le chatouillement) ; bien que la douleur ne soit jamais bonne en soi, comme telle, puisqu’elle est une tristesse, elle peut l’être indirectement, comme moyen de corriger les excès de certaines joies, et seulement dans cette mesure (« pour autant que »).

Il n’y a donc aucune raison de cultiver la douleur pour elle-même, ce qui serait morbide et absolument contraire à l’élan du conatus ; mais il peut y avoir dans des cas bien délimités un certain usage positif et pour ainsi dire curatif de la douleur, à titre de remède aux excès de certaines joies.

Démonstration

Le caractère excessif du chatouillement consiste dans le fait qu’étant localisé, il sollicite une partie du corps à l’exclusion des autres, il obnubile le corps, réduisant au silence ses autres aptitudes, ce qui contrevient au principe d’utilité énoncé par la prop. 38.

C’est sans doute le cas, par ex., du plaisir sexuel.

Une douleur n’est jamais bonne en elle-même. Mais elle peut, tout en ne menaçant pas l’intégrité du corps/âme (puisqu’elle est par définition localisée, à la différence de la mélancolie) avoir cependant la force de s’opposer au chatouillement (puisqu’elle est capable d’une infinité de degrés) et l’empêcher ainsi d’être excessif, ce qui peut à l’occasion la rendre indirectement utile.

Macherey : « La douleur peut avoir une valeur d’alerte, en attirant l’attention sur le caractère excessif présenté par certains plaisirs qui exaltent une partie de l’organisme au détriment de son équilibre global. Elle peut aussi être provoquée par une pratique des châtiments corporels, en vue de corriger les mauvaises habitudes provoquées par le goût excessif de certains chatouillements, pourvu que ces châtiments, et la douleur qu’ils provoquent, soient strictement contrôlés et adaptés au bénéfice qu’on cherche à en tirer. » (264) ; « On peut voir ici l’esquisse d’une pédagogie » – l’enfance étant par excellence l’âge du chatouillement – et la justification d’un certain usage politique de la coercition et de la tristesse – crainte du châtiment, punitions (265, n. 1).

Prop. 44 : L’amour et le désir peuvent être excessifs.

demonstratio par 3, prop 11, sc   |  4, prop 43  |  3, prop 37  |  4, prop 6

Passe des affects primaires (joie/tristesse) aux affects secondaires (avec représentation d’objet) : amour/haine.

L’amour et le désir qui en nait ne sont pas mauvais en eux-mêmes – à la différence de la haine, toujours mauvaise -, mais il est possible qu’ils soient excessifs, au sens déjà défini plus haut.

Démonstration

Lorsque l’amour est chatouillement, il peut être excessif : il devient attachement obsessionnel à l’égard d’un objet déterminé.

Le désir qui en naît est alors lui-même potentiellement excessif : il tend à entraver les autres dispositions actives de l’individu.

Scolie

En vérité, l’expérience témoigne plus souvent d’affects excessifs tels le chatouillement que d’affects qui ne le sont pas tels que l’allégresse.

Macherey : « La recherche du plaisir, bien que, considérée en soi, elle n’ait rien de condamnable, est dangereuse, parce que, le plus souvent, dominée par la force des affects, elle dévie vers ces manifestations excessives qui confinent au dérangement mental et perturbent gravement le comportement. » (267).

Prop. 45 : La haine ne peut jamais être bonne.

demonstratio par 3, prop 39  |  4, prop 37

Alors que l’amour peut être mauvais lorsqu’il est excessif, la haine est toujours mauvaise (sans avoir besoin d’être excessive pour l’être).

Demonstration

La démonstration passe par les conséquences destructrices de la haine : la haine nous entraine à vouloir et à faire du mal à autrui, ce qui est contraire à la « piété » telle que définie par la prop. 37 et son scolie ; ce qui est mauvais en tant que cela s’oppose au développement de la socialité humaine.

Scolie

Restreint la considération de la haine à la haine inter-humaine.

Seules les activités destructrices à l’égard des autres hommes sont absolument mauvaises.

Corollaire 1

Conséquence : tous les affects dérivés de la haine sont mauvais pour la même raison.

Corollaire 2

Les désirs et les actes issus de la haine inter-humaine sont contraires non seulement aux intérêts de l’individu, mais aux intérêts de la société, à l’honnêteté (définie dans le 1er scolie de la prop. 37) et à la justice (définie dans le 2e scolie de la prop. 37). Ils peuvent donc être à bon droit interdits par le droit.

Scolie

Distinction initiale entre « moquerie » (irrisio) ou « dérision » (Appuhn) ou « sarcasme » (Macherey), et « rire » (rirum).

Le rire est « joie pure et simple » (sans mélange de tristesse), rapportée plus spécifiquement au corps (cf. 3, 59, sc) donc bon en soi, et accidentellement mauvais quand il est excessif.

D’où la « grande » différence avec la moquerie (irrisio), cf. III, déf. 11 :  une joie aussi mais qui naît « qu’il se trouve quelque chose que nous mésestimons dans une chose que nous haïssons » ; nous nous réjouissons de ce qui nous paraît faire défaut (= mésestime : cf. def. 5) à une chose que nous haïssons ; c’est donc une joie essentiellement négative sur fond de tristesse (haine).

La recherche du plaisir n’est pas mauvaise en soi : interdire le plaisir ne peut être que le principe d’une « triste superstition ».

Macherey : « le penchant à l’austérité est une passion triste, inspirée par d’absurdes préjugés », et dont la genèse est retracée en particulier dans la Préface du TTP.

Il n’y a qu’une règle pour Spinoza : l’impuissance ne peut être une vertu, la puissance ne peut être un vice, c’est exactement le contraire.

Le commerce avec les choses, leur usage et le plaisir que l’on y prend sont utiles à l’homme sage et cultivés par lui, comme l’a établi la prop. 38, sur la base des postulats du corps humain, encore rappelés ici : cf. en particulier le postulat 4.

Macherey : « idéal d’une vie réglée qui, rejetant une inutile austérité, concilie contrôle de soi et plaisir. » (271 n. 1), un « ethos bourgeois » (272).

Prop. 46 : Qui vit sous la conduite de la raison s’efforce autant qu’il peut, face à la haine, à la colère, à la mésestime, etc., d’autrui envers lui, de les compenser en retour par l’amour, autrement dit par la générosité.

demonstratio par 4, prop 45, cor 1  |  4, prop 19  |  4, prop 37  |  3, prop 43  |  3, prop 44  |  3, prop 59, sc

La haine est toujours mauvaise (prop. précédente), que l’on en soit le sujet ou, comme ici, l’objet, et le fait d’en être soi-même l’objet ne change rien à cela : la haine réciproque n’est pas moins mauvaise que la haine première à laquelle elle répond, et l’homme raisonnable – qui connaît et recherche ce qui est vraiment utile, à lui-même et aux autres – tend à répondre à la haine par l’amour.

Principe d’inversion ou de retournement qui pourrait faire penser, à première vue, à le leçon du Christ : tendre l’autre joue, renoncer à rendre le mal pour le mal, répondre à la haine par l’amour.

Il s’agit de rompre le « cycle infernal de la réciprocité affective » (Macherey, 272).

Mais signification particulière de « s’efforcer » : non pas vouloir, s’obliger à, mais tendre nécessairement vers.

De plus, la notion de « générosité » précise de quel « amour » il s’agit ici : non pas un « amour de sentiment » teinté de renoncement, mais un « amour d’action » (Macherey, 273) tourné vers la recherche de l’utilité commune sous la conduite de la raison et qui témoigne de la « force d’âme ».

Macherey : « l’être généreux, animé par un affect entre tous actif, ne se contente pas de supporter avec abnégation un mal injuste, mais, à travers le don qu’il fait de soi, il affirme sa propre puissance, ce qui est la forme par excellence de la vertu. Là est la véritable charité. » (273)

Démonstration

En trois temps :

–       la haine étant toujours mauvaise (4, 45), l’homme vivant sous la conduite de la raison s’efforce de ne pas être en proie lui-même à la haine et d’en éviter la venue chez autrui (puisqu’il ce qu’il désire pour lui-même, il le désire aussi pour autrui : 4, 37) : ni être haï, ni non plus haïr ne peut être recherché par l’homme vivant sous la conduite de la raison.

–       Or, si la haine réciproque augmente la haine (cercle vicieux), l’amour peut la contrarier voire la détruire (la changer en amour) : 3, 43 et 44. Car l’amour en tant qu’il répond et succède à une haine redouble par laà-même de force.

–       Donc l’homme raisonnable s’efforce de répondre à la haine, non par la haine mais par l’amour (qui doit alors s’appeler plus proprement générosité).

La « générosité » – l’un des affects actifs ou désirs rationnels – ayant été précédemment définie ainsi : « un Désir par lequel un individu s’efforce en vertu du seul commandement de la raison à assister les autres hommes et à établir entre eux et lui un lien d’amitié » (3, 59 sc), dont la « modestie » et la « clémence » sont des espèces.

Scolie

Souligne le caractère « héroïque » de ce « combat » de la haine par l’amour : il s’agit avant tout d’une attitude pugnace et « sure » d’elle-même (« sécurité »), qui témoigne de cette « force d’âme » dont relève la générosité : cf. 3, 59 sc.

Ceux qui reçoivent cet amour en sortent eux-mêmes renforcés et joyeux, en tant qu’ils sont libérés de la haine qui les habitait, et tirent profit de la relation inter-humaine ainsi renouée.

Macherey : « En effet, on ne subit pas la générosité d’autrui, mais on y participe, dans un contexte où les raisons de s’accorder l’emportent objectivement sur celles d’être en conflit ». (274-275).

Prop. 47 : Les affects d’espérance et de crainte ne peuvent être bons par eux-mêmes.

demonstratio par 4, prop 41  |  4, prop 43

Les affects d’espoir (spes, ei) et de crainte (metus, us) sont des affects secondaires de Joie et de Tristesse à l’égard de choses futures ou passées « dont l’issue est tenue pour douteuse » (3, 18, sc2).

Cf. aussi déf. 12 et 13 des affects, et aussi 3, 50, scolie.

Ils sont par définition incertains et « inconstants », et donc sujets à la fluctuatio animi : n’ayant pas d’espoir (joie) sans crainte (tristesse), et réciproquement.

Ainsi, ils ne peuvent être « bons en eux-mêmes », purement et simplement, puisqu’ils sont tristes, mais cela laisse ouverte la possibilité qu’ils soient utiles indirectement (comme la douleur, par ex. : 4, 43) : par ex. crainte des châtiments en vue du respect des lois par tous. Mais c’est là un usage qui reste foncièrement équivoque et réservé aux hommes qui ne vivent pas sous la conduite de la raison, comme le précisera la prop. 63 du De Servitute : « Qui est dirigé par la Crainte et fait ce qui est bon pour éviter un mal, n’est pas conduit par la Raison. »

Espoir et surtout crainte sont à l’origine de la croyance aux miracles et des superstitions : cf. notamment TTP, préface.

Démonstration

Ces affects impliquent toujours une part de Tristesse : la crainte, directement ; l’espoir, indirectement.

Ils ne peuvent être utiles qu’indirectement, dans la mesure où ils peuvent servir à contrarier les excès de certaines joies (comme plus haut la douleur).

Scolie

De plus, ces affects sont « signes » d’une âme impuissante, c’est-à-dire d’un défaut de connaissance, d’idées inadéquates : en effet, ils supposent que l’on considère les évènements comme contingents, c’est-à-dire que l’on ignore leur nécessité. C’est le signe d’une soumission passive aux aléas du sort.

Tous les affects qui en sont dérivés (sécurité, désespoir, contentement, remords) sont dans le même cas : ils ne peuvent être bons en eux-mêmes mais seulement à titre de remèdes.

Ces diff. espèces de crainte et d’espoir ont été définis dans 3, 18, sc2.

Sécurité (securitas) ou « confiance » (Macherey) : espoir sans doute ; cf. aussi déf. 14.

Désespoir : crainte sans doute (idem) ; cf. aussi déf. 15 et explication

Contentement (gaudium) ou « satisfaction » (Macherey) ou « épanouissement » (Appuhn) : joie à l’égard d’une chose qui a été tenue pour douteuse et qui est arrivée inespérement ; cf. aussi déf. 16.

Remords de conscience (conscientiae morsus) ou « resserrement de conscience » (Appuhn) : tristesse opposée au contentement, à l’égard d’une chose passée arrivée contrairement à notre espoir ; cf. aussi déf. 17.

C’est évident des affects de désespoir et de remords, qui sont en eux-mêmes des tristesses. Mais c’est aussi le cas des affects joyeux de sécurité/confiance et de contentement, dans la mesure où ils succèdent à une tristesse (crainte) et ‘y trouent par là attachés.

Ainsi, l’homme vivant sous la conduite de la raison s’efforce d’écarter ces affects, et d’affronter les événements d’une âme égale, et de « commander à la fortune » autant qu’il lui est possible suivant les enseignements de la raison.

Notons une certaine dissymétrie néanmoins entre espoir et crainte : »la crainte doit être éliminée, parce qu’elle est certainement nocive dans tous les cas ; mais un certain degré d’espérance demeure tolérable, et d’ailleurs est inévitable : une éthique de la puissance qui se déploie nécessairement à l’intérieur d’un champ de potentialités, où il y a place pour du possible et pour du contingent, ne peut écarter complètement toute référence à une certaine espérance, à condition qu’en soient mesurés les inconvénients et qu’en soient contrôlés les excès. » (Macherey, 278).

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